
En novembre 1966, l'Amérique est encore triomphante. Elle diffuse dans le monde entier les images d'une puissance indestructible et arrogante. Pourtant, des failles apparaissent dans cette société si sûre d'elle. 500 000 hommes sont au Vietnam. Les jeunes gens de l'après guerre étouffent sous le carcan de la morale et de la rigidité bien pensante de leur éducation. Le Civic Rights Act qui abolit la discrimination raciale vient d'être voté mais les mentalités ne sont pas encore au diapason de la loi. Les années 50 ont ouvert la voie, James Dean et Elvis Presley ont donné à la jeunesse un droit à l'expression, à la rébellion. 10 ans plus tard, toute une génération sait qu'elle a le droit d'exister en dehors des chemins tracés par ses parents, et elle le fera par le biais de la musique.
En novembre 66, les Doors viennent de signer chez Elektra , la poésie scandaleuse de Jim Morisson fait trembler les petits clubs de Los Angeles. Le protest song tente de réveiller les consciences, alors que les chantres du Flower Power, à San Francisco ou Venice, doivent leurs airs de béatitude d'avantage à l'acide qu'aux utopies.
Le 17 novembre 1966, dans la Californie des Beach Boys et de Disneyland, Jeffrey Scott Buckley vient au monde. Comme pour compenser un contexte familial pas facile, les bonnes fées débarquent en nombre à Anaheim pour se pencher sur son berceau. Elles comblent l'enfant de tous les dons, le talent, la beauté, l'intelligence, une voix exceptionnelle, sans qu'aucune ne pense à lui garantir une vie longue et heureuse.Mais on sait depuis longtemps que les bonnes fées ont un pouvoir limité. 30 années, c'est peu, mais Jeff les vivra avec une telle intensité qu'elles vaudront bien 10 existences ordinaires.
Il aimait passionément la vie, la musique, l'amour, l'amitié. Il savait trouver la beauté où personne ne l'avait vue avant. Il croyait en la bonté, la compassion, le dépassement de soi.
Jeff aurait 43 ans aujourd'hui. Il n'est pas oublié, partout dans le monde, des fans y veillent et perpétuent sa mémoire. Depuis 12 ans, Chicago, lieu de concerts mémorables, organise un Tribute pour célébrer son anniversaire. Cette année, New-York, Los Angeles, et beaucoup d'autres villes lui rendent hommage à cette date. De nombreux concerts sont organisés régulièrement dans les pays où son souvenir est indélébile, l'Australie, l'Irlande, l'Italie...
La France n'est pas en reste. Voici quelques images du Tribute du 3 juin 2008 à Paris qui a vu la présence d'artistes venus d'un peu partout, et particulèrement de Mick Grondahl, bassiste de Jeff, et de Gary Lucas, guitariste qui l'a fait débuter à New-York en 1992 dans son groupe Gods and Monsters, et qui a composé la musique de cette chanson envoutante, "Mojo Pin", premier titre sur l'album "Grace".