dimanche 27 septembre 2009

Jeff et Tim





Impossible de raconter Jeff sans parler de Tim . Leur histoire , c'est un rendez-vous manqué , une histoire de famille compliquée et douloureuse comme il en existe beaucoup .

Etre un enfant abandonné , ça n'est facile pour personne , alors quand le géniteur en question est une légende , et qu'on se découvre une vocation qui oblige à suivre ses traces , il est facile d'imaginer la nature des sentiments qui se bousculent dans la tête de cet écorché vif.

Tout avait mal commencé , Tim avait 19 ans et une carrière débutante quand son fils est né. Il semble pourtant que , s'il n'était pas capable d'assumer cette responsabilité , il n'avait pas pour autant décidé dès le début d'être totalement absent de la vie de son enfant. Jusque aux 2 ans de Jeff , il vient parfois le voir , parle de lui avec fierté . Et puis , la vie de Tim devient de plus en plus difficile . Son caractère rebelle et instable lui crée des problèmes . Malgré son talent reconnu , il se fait jeter des maisons de disques , tombe dans tous les excès , se cherche artistiquement . De son côté , Mary s'est remariée avec un homme qui s'attache à l'enfant au point de lui laisser porter son nom . Enfant , Jeff s'appellera Scott (son deuxième prénom) Moorehead. Pendant de longues années , Tim semble avoir oublié qu'il avait un fils . Pas complètement cependant , car une de ses plus belles chansons , Dream Letter , est adressée à Mary et parle de lui avec tendresse et regret . « Est-il un soldat ou un rêveur , ou un fils à maman , est-ce qu'il t'aide quand il peut , et pose des questions sur moi , oh , tout ce que je donnerais pour le tenir dans mes bras».

Quand Jeff a 8 ans , sa mère décide qu'il serait bon d'organiser une rencontre , elle emmène Jeff assister à un concert de Tim , puis dans les coulisses , et ils paraissent tous deux heureux de ces retrouvailles. Jeff ira ensuite passer quelques jours dans la nouvelle famille de Tim , mais il était écrit que ces deux là ne se trouveraient jamais vraiment , en tous cas pas sur cette terre . Deux mois plus tard , Tim meurt d'une overdose à 28 ans .

Deuxième abandon , définitif cette fois . Sans faire de la psychologie de bazar , on peut penser qu'à partir de ce moment , et bien que Jeff s'en soit toujours (un peu trop) défendu , il sera hanté par le fantôme de Tim. A l'adolescence , il décide de reprendre le prénom et le nom qui figurent sur son acte de naissance , revendiquant ainsi sa filiation. Il ne fera plus qu'osciller entre rancoeur et volonté de comprendre , admiration et rejet , amour et haine envers ce père qui le fascine malgré lui et à qui il voudrait être capable de pardonner.

Bien sûr , quand Jeff tente de se faire un prénom , on l'attend au tournant : les comparaisons pleuvent , les journalistes soulignent la ressemblance physique et vocale , jusqu'à l'exagération. Ravivant les blessures , ils ne cessent de l'interroger à ce sujet . Jeff est agacé , mais répond comme il le fait toujours , avec patience et application . Il répète que son père est un étranger pour lui , qu'il n'a jamais été influencé par sa musique. Un jour , lassé de toujours entendre la même chose , il demande à un journaliste qui avait connu Tim «Mais vous trouvez vraiment que je lui ressemble ? ».

Ce qui le fait sortir de ses gonds , ce sont les spectateurs qui , à ses concerts , se croient malins en criant « Tim! » . Il réplique vertement et on le comprend . Entre toutes choses , il ne supporte pas la bêtise , et c'en est une manifestation criante .

Il n'en aura jamais fini avec ça : lors d'un de ses derniers concerts au Barristers de Memphis , le public lui demande d'interpréter des chansons de son père . Il le fera , non sans avoir rétorqué « C'est comme ça que vous aimez les chanteurs ? morts ? » .D'ailleurs , il s'est souvent exprimé au sujet des mythes fabriqués autour des rockstars décédées . Il trouvait ça ridicule « S'ils pouvaient réssuciter Jim Morisson à partir d'un morceau d'os , il le feraient » Quand on lui demande de quelle façon il voudrait qu'on se souvienne de lui , il réflèchit puis répond « Comme d'un bon ami ... non , je ne veux pas vraiment qu'on se souvienne de moi , seulement de ma musique ».

Quand on lit les textes de ses chansons , c'est souvent troublant , on est tenté de penser qu'il avait une prémonition , comme s'il avait toujours su qu'il mourrait jeune . C'est une idée commune à la plupart de ceux qui ont perdu un de leurs parents dans la fleur de l'âge , c'est encore une des empreintes que Tim a laissé sur son fils .

Malheureusement dans son cas , l'intuition s'est révélée juste .


Je vous propose un aperçu du talent de Tim : "Song to the Siren"

samedi 19 septembre 2009

Traduction de Dream Brother



. "C'est une chanson sur un ami qui menait une vie plutôt excessive . Il a des problèmes , c'est une chanson pour lui . Je sais où peut mener l'auto destruction , j'ai essayé de le prévenir . Mais je suis un grand hypocrite , car quand je l'ai appelé pour lui parler de la chanson , le même soir , j'ai pris une overdose de hasch et le matin quand je me suis réveillé , je me sentais très mal . C'est très difficile de se confronter à ses sentiments négatifs . La vie est un chaos complet".

Ainsi parlait Jeff début 94 ,au sujet de Dream Brother . Il a écrit ce superbe texte en pensant à Chris Dowd, du groupe Fishbone . Il était très proche de lui , le considérant comme un frère . Aussi , quand celui-ci a décidé de quitter sa petite amie enceinte , cela a réveillé en Jeff les échos douloureux de sa propre histoire , et il supplie son ami de ne pas se comporter comme Tim l'avait fait avec lui.
Rien de moralisateur pourtant , Jeff vivait lui aussi avec ses démons et n'ignorait pas la part sombre qui habite chaque être humain. Mais il est toute sa vie resté un enfant blessé et si cette chanson est dédiée à Chris Dowd , je pense que lorsqu'il la chante , c'est surtout à son père qu'il pense . "I feel afraid and I call your name , I love your voice and your dance insane ..."
Il y a dans ce morceau quelque chose de lancinant , torturé , l'éternel rappel d'une blessure qui ne cicatrisera pas.

Il y a un enfant qui dort près de son frère jumeau
Les images se bousculent et dans une rafale de vent

Cet ange sombre pénètre dans leur chambre
Et les observe en déployant ses ailes noires.


L' amour que tu as perdu , avec sa peau si claire

Est libre , le vent joue dans ses cheveux caramel


Ses yeux verts envoient des adieux

Avec son visage dans ses mains

Et ton baiser sur les lèvres d'une autre
Frère de Rêve , avec tes larmes répandues tout autour de la terre


Ne sois pas pas comme celui qui m'a rendu si vieux
Ne sois pas comme celui qui ne m'a laissé que son nom
Car ils t'attendent comme je l'ai attendu
Et personne n'est jamais venu. (bis)

J'ai peur et j'appelle ton nom
J'aime ta voix et ta danse de fou

J'entends tes mots et je connais ta souffrance
Avec ton visage dans tes mains et son baiser sur les lèvres d'un autre

Tes yeux fixent le sol et la terre tourne pour l'éternité

Endormi sur le sable et l'océan recouvre tout.


dimanche 13 septembre 2009

Mama , you've been on my mind

Sur la longue liste des artistes que Jeff admirait , Bob Dylan est un des premiers noms . C'est une des raisons pour lesquelles il a choisi de signer avec Colombia , le label ou se trouvaient un grand nombre de ses idoles , dont le grand Bob. Pourtant , la rencontre en 93 entre la vedette en devenir et le songwriter vieillissant et un peu bourru ne se passe pas très bien . Jeff , terriblement ému et impressionné s'entend dire « qu'il ressemble à son père , qu'il est très beau et devrait faire du cinéma... » . Juste ce qu'il ne fallait pas dire : Jeff déteste les allusions à son physique , quant à la ressemblance avec son père ... Les paroles de Dylan ne ressemblent pas franchement à un encouragement ! Mais Jeff n'est pas fâché : un peu plus tard , sur scène , il s'amuse de l'anecdote avec les spectateurs , puis se lance dans à une imitation de la star . Il faut rappeler que les parodies que Jeff aimait faire n'avaient jamais rien de méchant , et concernaient presque toujours des gens qu'il adorait : Led Zeppelin , les Smiths... C'était surtout un hommage et une occasion de rigoler avec le public. Mais ce jour là , un proche de Dylan est dans la salle , le prend mal et lui rapporte l'incident . Jeff est mortifié , et lui écrit aussitôt une lettre d'excuses .

Les choses se sont visiblement arrrangées car à la mort de Jeff , Dylan a eu des mots beaucoup plus gentils à son égard .

J'adore cette reprise de « Mama , you've been on my mind » .



samedi 12 septembre 2009

Les mots de Jeff à ses fans







La diffusion massive d'Internet dans les années 90 a changé beaucoup de choses dans la communication entre les artistes et leur public . Les débuts de Jeff ont coïncidé avec cette révolution , dont il se méfiait un peu , notament à cause de la diffusion de bootlegs de mauvaise qualité , insulte à son perfectionnisme ! Il craignait également les atteintes à sa vie privée , ce qui a occasionné des heurts avec la responsable d'un site non officiel .

Pourtant , il fallait bien qu'il se plie au progrès , et il a adressé plusieurs lettres à ses fans par le biais de son site . Le ton est toujours celui d'un vieux copain , spontané , voire un peu enfantin . Les premières lettres sont enthousiastes , les dernières beaucoup plus désabusées . Vous en trouverez la totalité sur :
http://www.jeffbuckley.com/rfuller/buckley/words/jeffposts/index.html

Voici le message de décembre 95 , version bilingue !

Dear Everyone,

Thank you for your beautiful letters. Sometimes things get my brain in a twist and reading your words of support really does my heart good. I shouldn't think so much. A big Merry Christmas to all of you poor popsicles out there in Winterland (it is bloody freezing here in N.Y.C.) stay warm, people. Dear Santa, I want a new ozone layer. Get those elves cracking!!!

Merci pour vos belles lettres . Quelquefois les choses deviennent tordues dans ma tête et vos mots de soutien me réchauffent le coeur . Je ne devrais pas penser autant. Je souhaite un énorme Joyeux Noël à vous tous , pauvres esquimaux au Pays de l'Hiver (ici à N.Y.C , ça gèle vraiment ) . Restez chauds ! Cher Père Noêl , je voudrais une nouvelle couche d'ozone , fais trimer tes
elfes !!!

The band and I are in writing-mode now, doing well together, they send their love. I'm sure you won't see us until the summer of '96 -- then we're really gonna freak out, man! Can't wait. Maybe we record in the spring? Don't know yet.

Avec le groupe , on est maintenant en mode écriture , on fait du bon travail ensemble , ils vous envoient leur amitié . Je suis sûr qu'on ne vous reverra pas avant l'été 96 , mais alors vous allez halluciner ! Je ne peux pas attendre . Peut-être qu'on enregistrera au printemps ? Je ne sais pas encore .

Also, may you all find the best of happinesses in the year to come. DON'T FEEL DOWN! '96 must rule! New positive mental attitude slogan: "Dude, future...it rocks".
You have our best. We love you, too.


Je vous souhaite de trouver tout le bonheur possible dans l'année à venir . GARDEZ LE MORAL ! 96 doit régner ! Nouveau slogan pour une attitude mentale positive « Mec , le futur , c'est rock'n'roll ! ». On vous aime aussi .



mercredi 9 septembre 2009

Remember me , forget my fate

Un biopic , pour quoi faire ?


Assez rapidement après la mort de Jeff , de folles rumeurs ont circulé au sujet d'un biopic . Le nom de Brad Pitt , un grand fan , a même été avancé sans qu'on précise si c'était en tant que réalisateur ou acteur . A ce propos , je trouve que Brad Pitt a beaucoup de talent , mais incarner Jeff lui aurait demandé un sacré travail d'acteur !

Rumeurs démenties , mais qui resurgissent sous une autre forme dès 2006 . Il était alors question d'un scénario qui mêlerait les vies de Jeff et Tim , une idée un peu curieuse quand on connait leur histoire . Bien que des noms aient été lancés pour la production et la réalisation , le projet n'a pas eu de suite, le scénario n'ayant pas été approuvé par Mary Guibert , la mère de Jeff , qui de toutes façons trouvait que c'était trop tôt .

Cet été , à peine 3 ans plus tard , nouveau buzz : Mary aurait changé d'avis , décidant de produire elle-même le film sur son fils . En précisant que l'acteur ne serait pas doublé et devrait chanter et jouer de la guitare . Outre ces talents , on imagine bien que jouer le rôle de Jeff implique un physique , un bonne dose de charisme et un capacité émotionnelle rare . D'où la consternation de certains à l'annonce des noms des comédiens potentiels , certes pas mauvais , mais loin de paraître à la hauteur du challenge . On a beaucoup parlé de James Franco , crédible physiquement et ayant fait ses preuves dans des rôles sensibles, mais en tant que chanteur , on a des doutes . L'autre candidat cité , Robert Pattinson , héros de Twillight et idole des jeunes filles , assurerait probablement le succès commercial du film , mais pas pour les meilleures raisons .

Ca n'engage que moi , mais je serais triste que le film se fasse . Pour Jeff qui aurait détesté ça et qu'on va forcément trahir . Pour les proches qui l'aimaient et ont eu la pudeur de ne pas étaler leur tristesse dans les médias et de ne pas se servir de sa mort pour leur propre pub .

Parce qu'il ne voulait pas devenir une légende et que le bruit des tiroirs-caisse ne l'a jamais affolé .

Parce qu'il s'est toujours gardé de trop se dévoiler et qu'il faut respecter son mystère .

Et puis , parce qu'une personnalité aussi riche ne supporte pas les approximations

Pour moi , il vit à travers sa musique . Quand j'écoute les Live et que je ferme les yeux , il est là , devant moi , vivant , vibrant , éternel .

James ou Robert , je n'ai rien contre vous , je suis sûre que des rôles merveilleux vous attendent , mais s'il vous plait , laissez Jeff Buckley reposer en paix !

Plus de deux mois après cette dernière annonce , on est sans nouvelles de ce biopic qui prend des allures de chimère . C'est donc que la perle rare est difficile à trouver , et c'est tant mieux ...


dimanche 6 septembre 2009

Three is a magic number






Jeff Buckley a toujours joué et enregistré sous son nom , mais ne sous-estimait pas l'importance de ses musiciens . A la fois amis proches , et compagnons de route , Mick Grondahl le bassiste , Matt Johnson le batteur et Michael Tighe à la guitare sont les premiers fans de Jeff , et c'est grace à la complicité qui les unit à lui qu'ils arrivent à le comprendre et le suivre dans les détours et modifications de dernière minute que ce dernier s'autorise sur scène. Ils n'ont pas un grand nombre de morceaux à jouer , et Jeff ne supporterait pas la routine, alors aucun soir ne ressemble à l'autre , Jeff se laisse guider par son imagination et son sens de l'improvisation . Simples coups d'oeils de leur chef , gestes à peine esquissés,, juste un mot , et ils savent ce qu'ils ont à faire .

« Je considère que je fais véritablement partie d'un groupe , même si je préfère qu'on parle d'un ensemble musical . Je sais que ce n'est pas un groupe comme les autres car l'attention se porte surtout sur moi , mais rien ne pourrait fonctionner sans Mick , Matt et Michael . Ma musique est la combinaison parfaite de nos quatre talents . Mick , Matt et moi avons un niveau supérieur à celui de Michael , mais nous le considérons comme notre égal . La base de n'importe laquelle de nos chansons est le feeling , l'être humain , pas la technique . Avant d'enregistrer Grace , nous n'avions donné qu'une dizaine de concerts , nous jouions ensemble depuis moins de cinq semaines ... Nous avons appris à nous connaître en studio ».

Jeff ne cherchait pas forcément des virtuoses ou des gens ayant une longue expérience , mais des personnes avec qui le courant passait , sur le plan humain et artistique . D'abord composé de Mick et Matt , le groupe est complété à la dernière minute par Michael , qui reconnaissait lui-même ne pas être un « vrai » guitariste , n'ayant joué que dans des groupes de lycéens. Peu importe , Jeff qui le connait depuis longtemps lui fait confiance , ils se comprennent parfaitement et la deuxième guitare trouve sa place .

« Je jouais seul en attendant que quelqu'un comme Mickey se présente et puis j'ai trouvé Matt . Je connaissais déjà Michael . Je suis arrivé comme une tornade, et j'ai ruiné leurs vies , pour le meilleur j'espère ! » .

Jeff et les « 3M » vont vivre ensemble les moments forts et les coups durs de cette interminable tournée qui usera tout le monde au point que début 96 , Matt finit par craquer : la fatigue crée des tensions et il s'énerve de la façon de vivre de Jeff , toujours un peu survolté et facilement tenté par des excès. Quand s'ajoutent des problèmes d'audition , il préfère partir , et Jeff qui se débat à ce moment avec d'autres problèmes ne pourra pas à le retenir.

Pourtant , quand ils sont sur scène , il y a une alchimie dans l'air, le sentiment que c'était exactement ces trois là qu'il fallait à Jeff , que rien n'aurait été pareil sans eux . Même physiquement , il y a , sinon une ressemblance , du moins une similarité . Les visages sont fins , presque androgynes , les cheveux longs en bataille leur donnent des airs de héros byronniens . Ils sont tous les quatre d'une beauté frappante qui ajoute à l'esthétique générale des concerts .

Il faut souligner aussi que Mick et Matt ont participé à la composition de Dream Brother , et c'est avec Michael que Jeff a écrit So real .


vendredi 4 septembre 2009

Vidéo de Grace

La qualité de la vidéo n'est pas très bonne , mais l'interprétation... Chair de poule assurée à partir de 3.50. Ca se passait en France , sur un plateau télé. Comme beaucoup de ceux qui ont découvert Jeff après sa mort , je ne me ferai jamais à l'idée de l'avoir manqué. Pourquoi faut-il que sa course sur cette terre ait été si brève et fulgurante que nous n'ayons même pas eu le temps de lever les yeux pour l'apercevoir ?
Pourtant , la France est un des pays qui a reconnu le talent de Jeff , lui réservant un accueil chaleureux quand les Etats-Unis l'ignoraient . J'y reviendrai plus tard ... Remarquez comme l'expression de son visage change entre le début et la fin.


jeudi 3 septembre 2009

Webring


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Interview Octobre 1994

Jeff Buckley
by Aidin Vaziri – Octobre 1994



...

AV : D'où viennent vos chansons ?

JB : Ce sont des rêves . Ou que j'aille , j'ai des carnets avec moi. Je suis un rêveur éveillé . Ou des choses qui m'arrivent. Eternal Life est juste une chanson... Parfois, quand on réflechit trop , on en arrive à s'inquiéter pour des choses qui devraient inquiéter tout le monde , mais dont tout le monde de moque , et le poids devient si accablant que l'on ressent de la colère d'une façon universelle. Je pense que les mères doivent ressentir la même chose après avoir eu un enfant. Le monde va tellement à l'encontre de la vie , surtout un monde dirigé par des hommes qui ne veulent pas se poser , écouter , et réflechir au sens de la vie . Ce sont des détails qui font que l'on se sent vivant , qu'on sait ce que sont l'amour ou le chagrin ...

AV : Votre thème principal est la difficulté d'aimer.

JB : C'est difficile de vivre avec quelqu'un , surtout quand c'est une personne qui est importante pour vous , et que des problèmes se posent , comme quelqu'un d'autre , même si ça n'a rien à voir avec votre amour. La sensibilité , ça n'est pas être faible , c'est être douloureusement conscient de ce qu'il ya autour de vous , comme une puce qui se poserait sur un chien avec un bruit d'explosion.

AV : Est-ce vous avez des thèmes plus généraux ?

JB : Mes chansons , c'est être vivant et produire du son . La voix apporte beaucoup plus d'information que les mots . On peut atteindre un état de transe, ou tout ce qui se passe dans le conscient est submergé ...la musique atteint ce qu'il y a en dessous...pas ce que les gens font semblant d'être , ou ce qu'ils espèrent trouver dans un magasin. Il y a beaucoup de majesté dans l'idée d'être touché par la musique , que ce soit un petit enfant effrayé ou un amoureux romantique. Les gens m'étonnent , même si je suis capable d'être parfois cynique . C'est parce que nous sommes des esprits qui s'ignorent , ce qui crée des tensions. C'est ce que la musique est capable de toucher .

AV : Et votre père ? Quelle relation aviez vous avec lui ?

JB : Musicalement ? aucune , à une époque j'ai eu des disques de lui , mais plus maintenant . J'ai une façon de comprendre les choses d'une manière très intime... Je ne pouvais pas faire autrement . Quand j'avais à peu près 19 ou 20 ans , je n'avais pas besoin de savoir , mais après , ça a commencé a m'obséder. Et il fallait que j'essaie de comprendre . Mais en réalité , je ne suis pas prêt à en parler maintenant . Dès ma naissance , je suis né à la musique , j'en suis tombé amoureux , elle était ma mère , mon père , un camarade de jeux quand j'étais très jeune , quand je n'avais rien. Ca ne vient pas de lui . Je l'ai rencontré une seule fois , et il est mort 2 mois après . Mais entre temps , il ne m'a pas écrit , ni téléphoné , et je n'ai pas été invité à son enterrement . Il n'y a pas eu de lien entre nous , vraiment . Je suis sûre que les gens rempliront les blancs et fabriqueront le mythe qu'ils voudront. Je regrette de ne pas lui avoir parlé plus , juste une ou deux fois . Robert Plant et Jimmy Page ont eu beaucoup plus d'influence que lui.

AV : Ce sont les noms qui viennent quand les gens parlent de votre musique.

JB : C'est la première voix dont je suis tombé amoureux . Quand Robert Plant était jeune , sa voix sonnait comme celle de Janis Joplin. Lui aurait préféré Howlin' Wolf , mais non . Il sonnait comme un putain d'animal .

AV : Ecrire des chansons , ça signifie quoi pour vous ?

JB : Ma musique c'est l'expression rêveuse du psyché. En partie sables mouvants , en partie structure . Les sables mouvants , c'est important pour que les choses évoluent. Est-ce que vous avez des souvenirs où vous vous rappelez un goût ou une sensation , d'un objet peut-être , mais ce sentiment est si bizarre et imperceptible que vous ne pouvez pas mettre le doigt dessus ? Ca vous rend fou . C'est mon esthétique musicale , juste cet imperceptible souvenir flottant. Ce qui est fantastique maintenant est que je peux l'enregistrer sur un disque ou le jouer sur scène . C'est entièrement irréel . Comme s'il y avait un garde à l'entrée de la mémoire , et nous ne sommes pas supposés nous rappeler certaines choses , car il faut se soumettre à leur pouvoir pour les vivre. Ce qui peut nous détruire ou nous marquer à vie . On n'en sait rien , c'est comme mourir . La musique , c'est tout ce que j'ai . C'est la seule chose qui ait toujours été vraiment formidable avec moi . A un moment , j'étais extrêmement déprimé et je ne pouvais pas m'intéresser à quoi que ce soit d'autre.

AV : C'était au lycée ?

JB : Le lycée , c'était n'importe quoi .Dès que j'y suis entré , je savais que ça ne servait
à rien . Pas l'enseignement , mais les gens .

AV : Vous avez grandi à Riverside , en Californie , c'était comment ?

JB : De la naissance à la tombe , c'est un pays criminel . Je me demande comment j'ai fait pour y trouver quelques amis . Les gens grandissent dans la répression de leur âme , jour après jour . La télé cablée , c'est de la merde . C'est de la misogynie , c'est la naissance , le travail , la mort , c'est la misère , le pouvoir , ce sont des ploucs . Et c'est avec tout ça que j'ai grandi . J'étais un nomade sans racines . Maintenant je préfère le Lower East Side à n'importe quel endroit sur terre , je peux y être moi-même . Je ne pourrais plus habiter aucun des endroits de mon enfance . Je n'ai jamais été à ma place en Californie, même si j'y suis né.



mercredi 2 septembre 2009

Alive



















Je vous ai raconté un peu de la vie de Jeff Buckley , et présenté l'album génial qu'est "Grace" . Maintenant , il faut que je tente de vous expliquer ce qui m'a motivé pour démarrer ce blog . J'ai toujours écouté beaucoup de musique , il y a des disques dont je ne me lasse pas , des artistes que j'admire pour ce qu'ils sont ou ce qu'ils disent , des univers qui me fascinent. Alors , pourquoi Jeff Buckley et pas un autre ? Tant de raisons que je ne sais par où commencer...

Tout d'abord , c'est un artiste qui ne ressemble à personne . Bien sûr, il a des influences qu'il ne renie pas , très nombreuses , mais au lieu de plagier ses maîtres , il n'en garde que la substance qu'il mêle à son monde intérieur (il s'inspire souvent de ses rêves) pour arriver à un résultat totalement original.
Ensuite , sa personnalité . J'ai déja abordé son évidente sincérité , son perfectionnisme , son ouverture d'esprit . Les interviews qu'il a données , ainsi que les témoignages de ses innombrables amis , font apparaitre un être qu'on ne peut s'empêcher d'aimer . On perçoit tout de suite sa complexité , on a l'impression qu'il est tout et son contraire : insouciant et angoissé , fragile et fort , modeste et sûr de lui , désirant plus que tout être reconnu mais mal à l'aise avec la notoriété. Il se décrit introverti , mais peut se montrer exubérant et excentrique , prêt à tenter toutes les expériences possibles.

Tous ceux qui l'ont cotoyé parlent de sa gentillesse , sa simplicité , son attention aux autres . Il a un côté "bien élevé" , charmeur , rayonnant . Pourtant , on devine que ses blessures d'enfance ont laissé des traces et que son hypersensibilité ne se laisse supporter qu'avec l'aide - pour notre plus grand bonheur - de cet exutoire qu'est la musique .

Si Jeff BUCKLEY est si attachant , c'est parce qu'il porte une profondeur , une sorte de sagesse que lui donne sa perpetuelle quête de la vérité , faite de doutes et de remises en question . Il n'aime pas les religions constituées , mais sa recherche spirituelle le pousse à s'interroger sur des questions essentielles: il croit en la divinité de l'homme et de la nature .

Enfin , il faudrait surtout pas faire l'impasse sur sa culture : lui même ne se vantait pas , mais ce jeune américain qui n'avait jamais fréquenté l'université lisait , entre autres , Cocteau , Rilke , Simone de Beauvoir , avait eu à 13 ans un coup de foudre pour Edith Piaf , s'interesssait à l'art , à l'avant garde et bien sûr avait écouté et intégré tous les genres musicaux , classique , jazz , blues , musique orientale , variété et j'en passe ...

J'espère que mon enthousiasme vous aura convaincu que Jeff Buckley était quelqu'un de passionnant , et que sa courte vie et son éphèmère carrière mérite bien qu'on lui dédie un tout petit bout d'étoile dans cette énorme constellation qu'est Internet !

"Les artistes ont juste besoin de se taire et d'écouter ce qui vient précisément de l'intérieur d'eux . On doit être sûr de ce qu'on a à faire , et si on n'a pas cette chose , on en mourra . On périra , lentement ou vite , avec violence ou naïveté.
Et chaque choix qu'on fait vient de là.
Je dois faire ça, je suis fait pour ça . Je ne peux rien faire d'autre . J'ai essayé. Je ne peux pas m'épanouir d'une autre façon . Ca changera peut-être quand je serai plus vieux . Je suis sûr que ça changera ."


JB , 1994