
Impossible de raconter Jeff sans parler de Tim . Leur histoire , c'est un rendez-vous manqué , une histoire de famille compliquée et douloureuse comme il en existe beaucoup .
Etre un enfant abandonné , ça n'est facile pour personne , alors quand le géniteur en question est une légende , et qu'on se découvre une vocation qui oblige à suivre ses traces , il est facile d'imaginer la nature des sentiments qui se bousculent dans la tête de cet écorché vif.
Tout avait mal commencé , Tim avait 19 ans et une carrière débutante quand son fils est né. Il semble pourtant que , s'il n'était pas capable d'assumer cette responsabilité , il n'avait pas pour autant décidé dès le début d'être totalement absent de la vie de son enfant. Jusque aux 2 ans de Jeff , il vient parfois le voir , parle de lui avec fierté . Et puis , la vie de Tim devient de plus en plus difficile . Son caractère rebelle et instable lui crée des problèmes . Malgré son talent reconnu , il se fait jeter des maisons de disques , tombe dans tous les excès , se cherche artistiquement . De son côté , Mary s'est remariée avec un homme qui s'attache à l'enfant au point de lui laisser porter son nom . Enfant , Jeff s'appellera Scott (son deuxième prénom) Moorehead. Pendant de longues années , Tim semble avoir oublié qu'il avait un fils . Pas complètement cependant , car une de ses plus belles chansons , Dream Letter , est adressée à Mary et parle de lui avec tendresse et regret . « Est-il un soldat ou un rêveur , ou un fils à maman , est-ce qu'il t'aide quand il peut , et pose des questions sur moi , oh , tout ce que je donnerais pour le tenir dans mes bras».
Quand Jeff a 8 ans , sa mère décide qu'il serait bon d'organiser une rencontre , elle emmène Jeff assister à un concert de Tim , puis dans les coulisses , et ils paraissent tous deux heureux de ces retrouvailles. Jeff ira ensuite passer quelques jours dans la nouvelle famille de Tim , mais il était écrit que ces deux là ne se trouveraient jamais vraiment , en tous cas pas sur cette terre . Deux mois plus tard , Tim meurt d'une overdose à 28 ans .
Deuxième abandon , définitif cette fois . Sans faire de la psychologie de bazar , on peut penser qu'à partir de ce moment , et bien que Jeff s'en soit toujours (un peu trop) défendu , il sera hanté par le fantôme de Tim. A l'adolescence , il décide de reprendre le prénom et le nom qui figurent sur son acte de naissance , revendiquant ainsi sa filiation. Il ne fera plus qu'osciller entre rancoeur et volonté de comprendre , admiration et rejet , amour et haine envers ce père qui le fascine malgré lui et à qui il voudrait être capable de pardonner.
Bien sûr , quand Jeff tente de se faire un prénom , on l'attend au tournant : les comparaisons pleuvent , les journalistes soulignent la ressemblance physique et vocale , jusqu'à l'exagération. Ravivant les blessures , ils ne cessent de l'interroger à ce sujet . Jeff est agacé , mais répond comme il le fait toujours , avec patience et application . Il répète que son père est un étranger pour lui , qu'il n'a jamais été influencé par sa musique. Un jour , lassé de toujours entendre la même chose , il demande à un journaliste qui avait connu Tim «Mais vous trouvez vraiment que je lui ressemble ? ».
Ce qui le fait sortir de ses gonds , ce sont les spectateurs qui , à ses concerts , se croient malins en criant « Tim! » . Il réplique vertement et on le comprend . Entre toutes choses , il ne supporte pas la bêtise , et c'en est une manifestation criante .
Il n'en aura jamais fini avec ça : lors d'un de ses derniers concerts au Barristers de Memphis , le public lui demande d'interpréter des chansons de son père . Il le fera , non sans avoir rétorqué « C'est comme ça que vous aimez les chanteurs ? morts ? » .D'ailleurs , il s'est souvent exprimé au sujet des mythes fabriqués autour des rockstars décédées . Il trouvait ça ridicule « S'ils pouvaient réssuciter Jim Morisson à partir d'un morceau d'os , il le feraient » Quand on lui demande de quelle façon il voudrait qu'on se souvienne de lui , il réflèchit puis répond « Comme d'un bon ami ... non , je ne veux pas vraiment qu'on se souvienne de moi , seulement de ma musique ».
Quand on lit les textes de ses chansons , c'est souvent troublant , on est tenté de penser qu'il avait une prémonition , comme s'il avait toujours su qu'il mourrait jeune . C'est une idée commune à la plupart de ceux qui ont perdu un de leurs parents dans la fleur de l'âge , c'est encore une des empreintes que Tim a laissé sur son fils .
Malheureusement dans son cas , l'intuition s'est révélée juste .
Je vous propose un aperçu du talent de Tim : "Song to the Siren"
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