mardi 29 décembre 2009

Video Eternal Life

Après la traduction, une video, celle qui figure sur le DVD "Grace around the world".Jeff chantait pour une émission de télévision anglaise en mars 95. Il donne la pleine mesure de son inépuisable énergie, le reste du groupe est également très en forme.On trouve également la version du concert de Chicago un peu partout sur le Net, mais je préfère celle-ci :


samedi 26 décembre 2009

Traduction "Eternal Life"




" C'est une chanson sur les politiciens, les fanatiques religieux, les abrutis qui refusent le système scolaire de l'état, se prennent pour Saint Lucas et couchent avec leurs leurs secrétaires. Le monde ne leur appartient pas. Il appartient aux gens qui s'aiment, qui chantent de toute leur âme. Il appartient à ceux qui font l'amour sans honte, qui aiment leur corps. Le corps des femmes, le corps des hommes, le corps de l'espoir. Tout le reste, c'est la mort."

Jeff avait composé « Eternal Life » plusieurs années avant « Grace », à l'époque ou son avenir musical était incertain et son existence californienne un peu erratique.

« Jeff était assis sur mon canapé chez moi à Los Angeles, et a composé d'un trait cette chanson, c'était incroyable » se souvient Kathryn Grimm, chanteuse du Groupe Therapy dans lequel Jeff était guitariste, et chez qui il habitait à cette époque. Eternal Life figure sur « Babylon Dungeon Demos », une maquette réalisée à Los angeles, qui passera complètement inaperçue, et sera la dernière tentative que fera Jeff pour percer en Californie. Quelques mois plus tard, c'est à New-York que son talent et sa personnalité trouveront à s'épanouir et que les portes s'ouvriront enfin.

Sur scène, il donnait de cette chanson une version rageuse, proche du hard-rock, et enchaînait souvent avec une reprise tout aussi musclée de « Kick out the Jams », reprise des MC5. Avec un plaisir évident, comme si cette façon de jouer était un exutoire pour l'aspect « sauvage » de sa personnalité à facettes multiples. J'adore le son de la guitare sur les différentes versions live.


ETERNAL LIFE

La vie éternelle est maintenant au bout de mon chemin
J'ai mon cercueil rouge étincelant , mec , il manque juste un dernier clou
Pendant que tous ces types hideux jouent à leurs jeux stupides
Il y a un horizon rouge flamboyant qui crie nos noms.

Alors que tous tes rêves sont brisés net
Tu pensais vraiment que cette route sanglante
te paverait le chemin

Tu ferais mieux de te retourner
et de saluer d'un baiser
La vie éternelle , ange .

Vous tous , racistes , qu'avez-vous fait ?
Mec , tu as fait un tueur de ton fils à naître.
Couronne ma peur , ton roi au bout du fusil.
Tout ce que je voudrais , c'est aimer tout le monde.

Alors que tous tes rêves sont brisés net
Tu pensais vraiment que cette route sanglante
te paverait le chemin
Tu ferais mieux de te retourner
et de saluer d'un baiser
La vie éternelle , ange .

Il n'y a pas de temps pour la haine , que des questions
Où est l'amour , où est le bonheur , où est la vie
Où est la paix ?
Ou vais-je trouver la force de devenir libre ?

Et dis-moi où est l'amour dans ce qu'a dit ton prophète
Mec , il me semble que ça n'est qu'une prison pour morts-vivants
Et j'ai un message pour toi et ton enfer tordu
Tu ferais mieux de te retourner et dans un baiser ,
de dire adieu à la vie éternelle , ange .



mardi 17 novembre 2009

Happy Birthday, Jeff











En novembre 1966, l'Amérique est encore triomphante. Elle diffuse dans le monde entier les images d'une puissance indestructible et arrogante. Pourtant, des failles apparaissent dans cette société si sûre d'elle. 500 000 hommes sont au Vietnam. Les jeunes gens de l'après guerre étouffent sous le carcan de la morale et de la rigidité bien pensante de leur éducation. Le Civic Rights Act qui abolit la discrimination raciale vient d'être voté mais les mentalités ne sont pas encore au diapason de la loi. Les années 50 ont ouvert la voie, James Dean et Elvis Presley ont donné à la jeunesse un droit à l'expression, à la rébellion. 10 ans plus tard, toute une génération sait qu'elle a le droit d'exister en dehors des chemins tracés par ses parents, et elle le fera par le biais de la musique.

En novembre 66, les Doors viennent de signer chez Elektra , la poésie scandaleuse de Jim Morisson fait trembler les petits clubs de Los Angeles. Le protest song tente de réveiller les consciences, alors que les chantres du Flower Power, à San Francisco ou Venice, doivent leurs airs de béatitude d'avantage à l'acide qu'aux utopies.


Le 17 novembre 1966, dans la Californie des Beach Boys et de Disneyland, Jeffrey Scott Buckley vient au monde. Comme pour compenser un contexte familial pas facile, les bonnes fées débarquent en nombre à Anaheim pour se pencher sur son berceau. Elles comblent l'enfant de tous les dons, le talent, la beauté, l'intelligence, une voix exceptionnelle, sans qu'aucune ne pense à lui garantir une vie longue et heureuse.Mais on sait depuis longtemps que les bonnes fées ont un pouvoir limité. 30 années, c'est peu, mais Jeff les vivra avec une telle intensité qu'elles vaudront bien 10 existences ordinaires.

Il aimait passionément la vie, la musique, l'amour, l'amitié. Il savait trouver la beauté où personne ne l'avait vue avant. Il croyait en la bonté, la compassion, le dépassement de soi.

Jeff aurait 43 ans aujourd'hui. Il n'est pas oublié, partout dans le monde, des fans y veillent et perpétuent sa mémoire. Depuis 12 ans, Chicago, lieu de concerts mémorables, organise un Tribute pour célébrer son anniversaire. Cette année, New-York, Los Angeles, et beaucoup d'autres villes lui rendent hommage à cette date. De nombreux concerts sont organisés régulièrement dans les pays où son souvenir est indélébile, l'Australie, l'Irlande, l'Italie...

La France n'est pas en reste. Voici quelques images du Tribute du 3 juin 2008 à Paris qui a vu la présence d'artistes venus d'un peu partout, et particulèrement de Mick Grondahl, bassiste de Jeff, et de Gary Lucas, guitariste qui l'a fait débuter à New-York en 1992 dans son groupe Gods and Monsters, et qui a composé la musique de cette chanson envoutante, "Mojo Pin", premier titre sur l'album "Grace".



samedi 31 octobre 2009

Interview Rockin' on




J'ai traduit quelques extraits d'une longue interview accordée au magazine Rockin'on en novembre 94. Avec sa franchise habituelle, mais aussi une certaine retenue, Jeff nous parle de ses sources d'inspiration, de son caractère solitaire, et surtout de sa peur d'être broyé par le succès, d'être consumé par sa passion pour la musique. A peine 4 mois après la sortie de Grace, il était parfaitement lucide à propos des pièges dans lesquels il est facile de tomber. Il parle du morceau Kanga-roo, chanson qui terminait tous ses shows, et à laquelle il donnait toujours une forme et une durée différente (32 minutes au Garage de Londres!). Sa façon d'interpréter ce morceau était toujours étonnante, parfois d'une intensité éprouvante, d'une exaltation presque inquiétante, ce qui lui valait régulièrement les foudres de Sony qui pensait que ça nuisait à son image. Malgré les pressions (et l'incompréhension de certains journalistes!), il a tenu bon et à continué à le jouer à chaque concert, il lui arrivait même de le dédier ironiquement à sa maison de disques.

...

Interviewer - Si vous deveniez une importante rockstar et que vous jouiez dans des stades ou ce genre d'endroit, est-ce que votre musique y perdrait quelque chose ?

Jeff Non. Premièrement, je ne jouerai jamais dans des stades, et deuxièmement, l'artiste conceptuel en moi verrait le stade et se dirait : qu'est-ce je pourrai bien jouer de subtil et de nuancé dans un endroit pareil, et assurer quand même, et tenir un stade entier ? Bien sûr, ce serait un défi, mais je n'aime pas les concerts dans des stades car ce qui se passe sur scène est si énorme que les gens prennent ça pour acquis. Au milieu d'une chanson qu'ils ne comprennent pas, ils se lèvent pour acheter un programme ou un hot dog , une bière ou n'importe quoi. Ca n'est plus une expérience musicale, Ca devient juste un lieu d'échanges, un évènement. Je ne supporterai pas ça , ça serait trop triste.

I – Vous êtes très exigeant avec votre public, vous voulez vraiment qu'ils..

J Oh non , pas du tout, je ne suis pas exigeant, ils font ce qu'ils veulent, mais c'est juste que ...

I – Vous pensez que ce genre atmosphère ne permettrait pas un concert correct.

JOui, c'est ça. A moins d'être Paul Mc Cartney et d'envoyer « Live and let die » dans un stade avec (rires) des feux d'artifice, et des écrans géants, et un incroyable light show, avec un groupe qui connait les chansons, et ça ressemblerait à une version démesurée , j'ai déjà vu ça. Ou si vous jouez « Hey Jude » ou une chanson qu'on connait depuis longtemps, qu'on a tellement entendue. Mais une musique qu'on ne connait pas encore, ça demande de l'attention. Mais je ne demande pas aux gens de s'assoir et de ne plus bouger. Peut-être que vous venez au concert pour parler à un ami que vous n'avez pas vu depuis 16 ans, ou pour draguer une fille, je n'ai rien contre ça, c'est drôle.

I – Que pensez-vous de vos prestations scéniques ? Etes-vous en progrès ?

J Oh oui, de jour en jour. Mais certains soirs , ça arrive que ce soit un ratage complet.


...

I – En fait, la seule chose négative que j'ai vue sur vous était la critique d'un concert . Elle disait que jusqu'à la fin c'était magnifique, jusqu'à ce que vous jouiez la version complète de Kanga-Roo , que le critique a détestée. Est-ce que vous le faites encore ?

J Ou était-ce ? A Londres, au Garage ?

I – Je crois que c'était dans « New Musical Express »

J Je peux dire quelque chose ? Je ne veux pas avoir l'air de me vanter, mais chaque personne que je voyais devant moi au début du concert (et je suis conscient de mon public) était encore là à la fin. Et il y avait un silence complet quand nous avons joué Kanga-Roo.

...

I – En ce qui concerne vos textes, sont ils liés à la réalité , ou sont ils imaginaires?

J C'est ma vie. Ma vie alimente ma poésie , et donc mes textes.

I – Vous parlez donc de votre vie ?

JBien sûr , sinon je serais incapable d'y mettre du sang, de la vie. Même les choses qui sont... Oh , c'est un équilibre étrange entre... Ca n'est pas vraiment autobiographique, je les écris pour qu'ils puissent exister dans différentes parties de la vie, ils sont ouverts, ni spécifiquement masculins ou féminins, ou liés à une identité. C'est simplement spécifique d'une expérience , c'est tout.

I – Les gens peuvent donc les comprendre comme ils veulent.

J Bien sûr, ils le peuvent.

...

I – Comparé à d'autres personnes de votre génération, pensez-vous avoir été élevé dans un environnement particulier, ou votre histoire est elle banale?

J Je suis aussi banal que n'importe qui sur terre.

I – Vous dites que vous vous voyez comme un étranger , même un marginal

J Eh bien , ça a été comme ça la plus grande partie de ma vie

I – Est-ce à cause des circonstances ou de votre personnalité?

J Les deux. Ma pesonnalité réagit aux circonstances. Vous voulez dire que je suis né étranger ? En fait, je suis né ... bizarre. Mais le fait d'être... d'avoir souvent déménagé dans mon enfance, j'ai deux niveaux différents . Quand vous changez tout le temps d'endroit, vous apprenez à vous accrocher dès que vous trouvez quelque chose que vous aimez , vous êtes en quelque sorte réceptif à vos émotions et vous vous faites des amis plus facilement, sans les complications . Mais de la même façon, vous devez quitter les gens brutalement parce que vous devez partir soudainement. Cela vous construit une sorte d'armure , ça construit aussi une sorte de tristesse, et une réticence à s'engager.

I – Pourtant, vous n'êtes pas vraiment un solitaire.

J Si.

I – Vraiment ? Souvent les artistes ont l'impression de mieux commmuniquer à travers la scène, ou leur musique, que dans une relation personnelle.

J Non, je suis un vrai solitaire, mais j'aime les gens.

I – Est-ce que vous vous connectez mieux aux gens en tant qu'artiste, plutôt que...


J Non, je me connecte aux gens plus directement en tant qu'artiste , mais je me connecte plus durablement en tant qu'être humain. Je suis plus éloquent dans la musique, mais je n'utilise pas la musique pour parler aux gens. Je n'utilise pas la musique pour parler à ma petite amie, j'utilise mon coeur. Chaque fois, je laisse parler mon coeur. C'est pareil, ça vient de la même source, mais les moyens sont différents.

I – Etre un artiste enrichit donc votre vie, ça vous amène à plus de gens, mais vous ne comptez pas dessus pour communiquer ?

J Je compte sur ça. En fait, je compte sur ça pour m'exprimer, pour extérioriser l'existence. C'est quelque chose d'inexprimable qui devient réel, qui n'existe pas dans un langage normal. Mais je ne peux pas avoir l'un sans l'autre. Parce que j'ai une passion pour les deux. J'ai une passion débordante pour les deux. Et c'est une énergie étrange. Quelquefois, je cours vers ça aussi vite que je m'en éloigne, avec un pouvoir égal. Je suis vraiment tordu (rire)

I – De quoi devriez-vous vous éloigner ?

JQuelquefois j'ai l'impression que... je ne peux pas gagner, mais je dois garder ma force.

I – Ce qui veut dire ?

J Ce qui veut dire avec les gens, ou avec la musique.

I – Vous dites que vous ne pouvez pas gagner. Est-ce vous sentez des limites en tant qu'artiste?

J Je sens la peur de la chute dans un fossé sans fond , de la façon dont les choses devraient être réalisées. Je sens que je pourrais disparaitre. La peur est là.

I – Disparaître, vous voulez dire perdre votre créativité?

J Non. Perdre complètement mon identité, au nom de la musique. Car je pourrais être consumé par elle. Totalement. Je pourrais devenir un singe savant qui se contente de jouer. Je pourrais devenir un phénomène de foire. J'ai peur de ça.

I – Un juke-box humain?

J Juste un phénomène qui ne peut plus s'exprimer que comme ça. C'est ce que je ne veux pas. Je veux être capable de parler de livres, de films, de sentiments.

I – Et pour ça, je suppose que vous devez de temps à autre prendre vos distances par rapport à la musique.

J Quelquefois. Mais c'est toujours... Je n'y arrive pas, j'y retombe. C'est comme dans certains couples d'amoureux, ils sont si passionnés l'un par l'autre, mais sont aussi un poison l'un pour l'autre... La seule fois où je me suis vraiment détaché de la musique, c'était pendant une terrible dépression, rien ne m'intéressait, je n'ai même plus chanté pendant des années. Mais c'est trop personnel. (murmure) Question suivante.

I – Pensez-vous que vous pourriez prendre un autre congé sabbatique loin de la musique pour...

J Je n'ai pas de plan, mais si j'en ai besoin, je le ferai. Non, je veux dire, la musique m'accompagne tout le temps. J'avais la musique avant les maisons de disque. J'ai toujours eu la musique. Je n'ai pas besoin de l'industrie du disque pour ça. Mais c'est bien qu'elle existe, et me permette de faire des tournées et des disques. C'est génial.

I – Je dirais que Grace est probablement le meilleur album de l'année.

J Aww...

I – Et une des choses qui me frappe le plus, Jeff, c'est que les meilleures chansons en sont les vôtres. Etes-vous prolifique? Avez vous d'autres compositions?

J J'en ai, mais je voulais inclure d'autres choses. C'est un témoignage, Grace, un talisman de mon passé. Je voulais juste le faire, puis le laisser reposer pour pouvoir continuer. Mais le prochain album sera plus moi.

I – Est-ce qu'il y a eu beaucoup de matériel enregistré qui a été laissé de côté?

J Il y a seulement une chanson et je ne l'aimais pas. Je veux la retravailler.

I – Est-ce que le matériel pour le prochain album est prêt?

J Pas vraiment, car je manque de temps. Mais c'est là, en moi. Il me faut du temps et de l'espace pour en faire quelque chose. Je dois me battre pour avoir du temps libre.

...


mardi 27 octobre 2009

Vidéo de Satisfied Mind

Ce standard folk, Jeff n'a pas hésité à le transformer en un blues poignant. Je préfère oublier que c'est cette chanson qui a été choisie pour sa cérémonie funèbre , et ne retenir que cette interprétation . Jeff alors très jeune (25 ans environ) entrevoyait enfin un avenir après des années de galère. A cette époque , début 92 , il avait rejoint le groupe "Gods and Monsters" du guitariste Gary Lucas à New-York.L'expérience n'a pas duré longtemps , mais lui a permis d'affirmer ses dons de chanteur (jusqu'alors , il s'était surtout considéré comme un guitariste ) et de prendre confiance en lui sur scène.

Cela se passe à la Knitting Factory , un petit club d'East Village. Juste après avoir quitté le groupe, Jeff en solo arpentera les scènes minuscules de ce quartier , le Fez , Cornelia Cafe et surtout le Sin'e, où sera enregistré un premier EP de quatre chansons , précédant de quelques mois la sortie de Grace.

Jeff est toujours resté fidèle à ces lieux intimes où il se sent bien . En marge de sa tournée , et après celle-ci , il est souvent revenu y chanter , en habitué des lieux, seul avec sa guitare. Ses derniers concerts ont eu lieu au Barrister de Memphis , en avril et mai 1997. Il faisait découvrir ses nouvelles compositions à un public divers: alors que certains se trouvaient là par hasard, d'autres , véritables inconditionnels, avaient traversé le pays pour le voir.

Jeff était dans sa période "cheveux chatains très courts", avec un côté adolescent, encore un peu maladroit. Mais il avait déja ce magnétisme qui fait qu'on ne peut détacher le regard. Sa voix , plus juvénile que sur Grace , s'accorde magnifiquement avec ce blues qui ressemble à une prière.

Back to 1992 ...

jeudi 22 octobre 2009

Traduction de Morning Theft





C'est une des belles plus belles chansons de l'album posthume «Sketches for my Sweatheart the Drunk". Dans un registre ou il excelle, celui de la nostalgie, Jeff nous raconte l'histoire d'une amitié brisée par des malentendus. Il fait explicitement référence à sa relation avec Elisabeth Fraser, aérienne chanteuse des Cocteau Twins, dont il était très proche artistiquement et spirituellement .

Les Cocteau Twins, si vous ne connaissez pas , c'est un groupe qui a débuté dans les années 80, et qui se démarquait du courant New Wave de cette époque par sa poésie, son lyrisme, son inspiration un peu gothique. Pour moi «Treasure» est leur meilleur album. Jeff les citait souvent parmi ses groupes préférés, il avait la plus grande admiration pour Elisabeth Fraser avant de faire sa connaissance, alors qu'elle était depuis toujours fan de Tim Buckley, on peut imaginer que leur rencontre a été un moment fort ...

Ils ont composé et enregistré ensemble un duo , « Flowers in Time » que l'on trouve sur Internet :
http://www.youtube.com/watch?v=ui3JZkITEkA
La réunion de ces deux tourmentés a donné le jour à une chanson étonnamment lumineuse et optimiste , avec leurs voix qui se mêlent et se répondent en écho à leur complicité évidente .

Les paroles de « Morning Theft » sont pourtant amères , regret d'une amitié compromise par une histoire d'amour qui n'avait pas sa place . Jeff ne parlait jamais de sa vie privée , alors n'extrapolons pas , il nous a livré dans ses chansons ce qu'il y avait à connaître de lui , le reste lui appartient .

Beaucoup de ses textes sont liés à la confusion des sentiments , l'impossibilité d'aimer sans souffrir et faire souffrir , le besoin d'amour assombri par la perspective de la rupture .

Je viens de remarquer le double sens du titre , "morning" se prononçant comme "mourning" , difficile à traduire en français , mais qui se rapporte au deuil . "Mourning theft" serait quelque chose comme "vol endeuillé" , ce qui assimile la fin des sentiments à la mort , comparaison qu'on retrouve dans d'autres morceaux .


Le temps prend soin des blessures , alors je peux y croire
Tu avais tant à donner , tu pensais que je ne voyais rien
Cadeaux piétinés , promesses déçues
J'ai dû tout envoyer au loin pour que me revienne le souvenir de nous deux.


Tes yeux et ton corps scintillent comme un eau calme et profonde
Ta précieuse fille dort dans la pièce à côté.
Un baiser de chaque étranger que je rencontre pour dire «bonne nuit»
J'ai dû tout envoyer au loin pour que me revienne le souvenir de nous deux.

Un vol le matin , et ton prétendant est parti , ingrat
La vérité de ton être , c'est ce que tu m'apportais ici ,
Dans un lieu où cet amour peut être accepté
L'amitié détruite par une histoire inutile ,un échec qu'on a ignoré.

Que suis-je encore pour toi ?
Un voleur qui t'a tant pris ?
Ou une stupide reine de théatre qui avait peu de chances ?

L'amour nous mène à celui qu'il nous faut
Un lieu où peuvent subister
Nos coeurs qui battent ensemble et s'alimentent
Tu es une femme , je suis un veau
Tu es une fenêtre , je suis un couteau

Nous sommes ensemble pour tenter notre chance dans la lumière des projecteurs.

Rejoins moi demain soir
Ou quand tu voudras

Je n'ai pas le droit de me demander comment ou quand.
Et même si tout ça a un sens , ça ne m'est d'aucun secours.

Ma belle amie me manque

J'ai dû tout envoyer au loin pour que me revienne son souvenir .







jeudi 8 octobre 2009

What will you say





Jeff Buckley n'a pas eu le temps de devenir une superstar, et d'ailleurs je ne suis pas sûre que c'était vraiment ce qu'il voulait . Considéré par sa maison de disques comme "the next big thing",il n'a jamais rien fait pour accélerer le processus qui devait logiquement le mener à la gloire ,bien au contraire . Par contre, nul doute que la reconnaissance "post-mortem" de ses pairs l'aurait touché, particulièrement celle venant de musiciens qu'il admirait tels Jimmy Page ou Lenny Kaye. Parmi le concert de louanges émanant de nombreux artistes et amis tenant à lui rendre hommage , je vous propose les plus touchants et les plus sincères, comme celui de Chris Cornell, chanteur de Soundgarden et un de ses meilleurs amis , ou d'Elvis Costello, organisateur en 1995 du Festival London Southbank auquel Jeff avait participé.


"Grace was a great beginning, staking out all the stylistic territory. I think he was getting ready to make his first real record, working out what he wanted to say without letting that wonderful voice distract people from his internal emotion. I'm sure he wanted to be more than just a pretty face and voice.

Grace était un grand début, qui survolait tous les territoires stylistiques . Je pense qu'il s'apprêtait à faire son premier vrai disque, travaillant ce qu'il voulait dire sans laisser sa voix magnifique détourner les gens de ses émotions intérieures . Je suis sûr qu'il voulait être plus qu'un beau visage et une voix."

~ Lenny Kaye (guitariste de Patti Smith)

"We were really good friends, and as an individual he was different from any other friend I've had. I was looking forward to a long friendship with him. As an artist he was one of the few people that really inspired me. I was counting on him to be one of the persons who would pressure me to move my limits in many years to come.

Nous étions vraiment de bons amis, en tant que personne , il était différent que tous les amis que j'avais eu auparavant, j'espérais une longue amitié avec lui . En tant qu'artiste, c'est une des rares personnes qui m'ont réellement inspirées. Je comptais sur lui pour m'inciter à repousser mes limites dans les années à venir ."

~ Chris Cornell

"Technically, he was the best singer that had appeared probably in - I'm not being too liberal about this if I say - in two decades.

Techniquement, il était probablement le meilleur chanteur apparu depuis , je n'exagère pas, une vingtaine d'années ."

-Jimmy Page

"Jeff is one of my favorite musicians and singers of all time. Never have I seen such infinite musical potential in anyone.

Jeff est un de mes chanteurs et musiciens préférés de tous les temps. Je n'ai jamais vu un potentiel musical aussi étendu chez quelqu'un d'autre ."

~ Ben Harper



"I asked him what he wanted to sing and he said he'd like to do one of Mahler's Kindertotenlieder in the original German! Absolutely fucking fearless. He was convinced he could sing it without rehearsal, just because he liked it. In the end he did a Purcell song, 'Dido's Lament', which is in danger of sounding incredibly poignant in retrospect: "Remember me but forget my fate". But he also sang 'Boy With the Thorn In His Side' because he liked it, and 'Grace' to show something of himself.

When he started singing "Dido's Lament" at the rehearsal, there were all these classical musicians who could not believe it. Here's a guy shuffling up onstage and singing a piece of music normally thought to be the property of certain types of specifically developed voice, and he's just singing, not doing it like a party piece, but doing something with it.

Je lui ai demandé ce qu'il voulait chanter et il a dit qu'il souhaitait un des Kindertotenlieder de Mahler en allemand ! Extraordinairement audacieux ! Il était convaincu qu'il pourrait le chanter sans répeter, juste parce qu'il aimait ce morceau. Finalement il a chanté « Dido's Lament » de Purcell ,ce qui, rétrospectivement , paraît incroyablement poignant . "Souvenez-vous de moi , oubliez ma destinée" . Mais il a aussi chanté « The Boy with the The Thorn in his side » parce qu'il l'aimait, et « Grace » , pour montrer quelque chose de lui-même. Quand il a commencé à chanter « Dido's Lament » à la répétition , il y avait tous ces musiciens classiques qui ne pouvaient pas en croire leurs oreilles . Voilà un type qui débarque sur scène pour chanter un morceau supposé être fait pour des voix spécialement entraînées, et il chante , tout simplement, pas pour s'amuser, mais pour en faire vraiment quelque chose ."

~ Elvis Costello

"Jeff Buckley was a pure drop in an ocean of noise

Jeff Buckley était une goutte de pureté dans un océan de bruit."

-Bono

"Jeff was worried about signing to a major label and losing his soul. He was very traumatised by that. If you look at the signing photo that Columbia placed in Billboard magazine, it's almost amusing. Jeff looks absolutely tortured. Everybody else had big smiles. It symbolised visually what he felt. He had conflicts his whole career about commercialization. He was worried about selling a lot of records. Would that by definition make him a star? And what did stardom mean? These were all things that bothered him terribly. He had real reservations.

Jeff était troublé par le fait d'avoir signé avec une major en risquant de perdre son âme. Ca le traumatisait vraiment . Si vous regardez la photo que Columbia a publié dans le Billboard Magazine , c'est presque amusant , Jeff a l'air absolument torturé . Tous les autres ont de larges sourires. C'est un symbole visuel de ce qu'il ressentait. Pendant toute sa carrière , il a éprouvé des conflits intérieurs à propos de la commercialisation. Ca l'ennuyait de vendre beaucoup de disques . Est-ce que ça ferait forcément de lui une star ? Et être une star , ça voulait dire quoi ? Ce sont toutes ces choses qui le perturbaient terriblement. Ses réserves étaient réelles."
George Stein , manager

dimanche 4 octobre 2009

Despite the tears




Pour commémorer la sortie de Grace en 1994 , Sony a sorti en Juin dernier un coffret comprenant un DVD sur lequel figurent les chansons de l'album interprétées sur des scènes du monde entier , un CD qui en reprend le contenu en audio , et un documentaire tourné il y a plusieurs années et dont la sortie a jusque là été retardée pour des raisons mystérieuses .

Montrer Jeff dans ce qui a constitué son élément naturel pendant 2 ans , c'est à dire les concerts qui ont laissé les fans de nombreux pays éblouis par la magie de ses performances , pourquoi pas .

Même si presque tout ce qu'on y trouve circulait depuis longtemps et que les inconditionnels avaient déjà jalousement engrangé ces instants de pur bonheur, on se dit qu'il y a toujours un nouveau public à toucher .

Sauf qu'on a des doutes sur la noblesse des intentions de la maison de disques quand on sait que ce coffret arrive après pas moins de 8 albums posthumes et un DVD depuis 11 ans !

La question des éditions posthumes ne s'est bien sûr pas posée que pour lui , elle touche tous les artistes et il n'est pas facile d'avoir une opinion tranchée , entre respect d'une oeuvre et attente des fans , prise en compte des volontés supposées de l'artiste et souci de sa postérité . Dans le cas de Jeff , le plus choquant est qu'à partir d'un seul album , d'enregistrements live et de projets de chansons , on ait fabriqué une véritable industrie autour d'un homme qui se fichait de la logique commerciale et menait sa carrière dans une totale honnêteté artistique , sans jamais se compromettre et en gardant son niveau d'exigence plus qu'élevé !

Je ne veux pas dire qu'il ne fallait rien sortir et compter sur le seul
« Grace » pour que Jeff continue à vivre dans nos mémoires . "Sketches for My Sweetheart the Drunk » , sorti en 1998 , était indispensable , non seulement parce qu'il contient des choses éblouissantes , totalement différentes de l'esprit de Grace , mais aussi parce que c'est ce sur quoi il travaillait avant de disparaître. Outre les chansons enregistrées en studio qu'il avait rejetées , il y a sur ce double-album les nouveaux morceaux qu'il tentait de mettre en forme , seul chez lui devant un magnéto 4-pistes . Des chansons dont il avait dit à Michael Tighe qu'elles étaient encore « en noir et blanc » et auxquelles il était impatient de « donner des couleurs » avec l'arrivée prochaine de son groupe .

Pour ce premier album posthume et les Live qui ont suivi , les musiciens et proches de Jeff ont été consultés et le travail fut mené dans le respect d'une certaine ethique . Ca n'a pas duré : à mesure que le temps passait et que la production s'emballait les scrupules se taisaient . Le pire a été atteint en 2004 , avec la sortie de l'Edition Legacy de Grace qui fait figurer le morceau « Forget her » . Il s'agit d'une chanson qui devait être sur l'album original , mais qu'au dernier moment Jeff avait catégoriquement refusé , en un conflit ouvert avec Colombia qui voyait à juste titre un magnifique tube en puissance . Volonté de contrer la visée commerciale , motifs personnels , on n'a jamais su pourquoi Jeff avait voulu jeter cette superbe chanson aux oubliettes , mais c'était son droit, et le rajout de ce titre est plus qu'une faute de goût .

Un musicien talentueux , beau , charismatique , foudroyé en pleine jeunesse , c'était trop tentant . Les légendes sont rentables , Jeff Buckley sera donc une légende .



dimanche 27 septembre 2009

Jeff et Tim





Impossible de raconter Jeff sans parler de Tim . Leur histoire , c'est un rendez-vous manqué , une histoire de famille compliquée et douloureuse comme il en existe beaucoup .

Etre un enfant abandonné , ça n'est facile pour personne , alors quand le géniteur en question est une légende , et qu'on se découvre une vocation qui oblige à suivre ses traces , il est facile d'imaginer la nature des sentiments qui se bousculent dans la tête de cet écorché vif.

Tout avait mal commencé , Tim avait 19 ans et une carrière débutante quand son fils est né. Il semble pourtant que , s'il n'était pas capable d'assumer cette responsabilité , il n'avait pas pour autant décidé dès le début d'être totalement absent de la vie de son enfant. Jusque aux 2 ans de Jeff , il vient parfois le voir , parle de lui avec fierté . Et puis , la vie de Tim devient de plus en plus difficile . Son caractère rebelle et instable lui crée des problèmes . Malgré son talent reconnu , il se fait jeter des maisons de disques , tombe dans tous les excès , se cherche artistiquement . De son côté , Mary s'est remariée avec un homme qui s'attache à l'enfant au point de lui laisser porter son nom . Enfant , Jeff s'appellera Scott (son deuxième prénom) Moorehead. Pendant de longues années , Tim semble avoir oublié qu'il avait un fils . Pas complètement cependant , car une de ses plus belles chansons , Dream Letter , est adressée à Mary et parle de lui avec tendresse et regret . « Est-il un soldat ou un rêveur , ou un fils à maman , est-ce qu'il t'aide quand il peut , et pose des questions sur moi , oh , tout ce que je donnerais pour le tenir dans mes bras».

Quand Jeff a 8 ans , sa mère décide qu'il serait bon d'organiser une rencontre , elle emmène Jeff assister à un concert de Tim , puis dans les coulisses , et ils paraissent tous deux heureux de ces retrouvailles. Jeff ira ensuite passer quelques jours dans la nouvelle famille de Tim , mais il était écrit que ces deux là ne se trouveraient jamais vraiment , en tous cas pas sur cette terre . Deux mois plus tard , Tim meurt d'une overdose à 28 ans .

Deuxième abandon , définitif cette fois . Sans faire de la psychologie de bazar , on peut penser qu'à partir de ce moment , et bien que Jeff s'en soit toujours (un peu trop) défendu , il sera hanté par le fantôme de Tim. A l'adolescence , il décide de reprendre le prénom et le nom qui figurent sur son acte de naissance , revendiquant ainsi sa filiation. Il ne fera plus qu'osciller entre rancoeur et volonté de comprendre , admiration et rejet , amour et haine envers ce père qui le fascine malgré lui et à qui il voudrait être capable de pardonner.

Bien sûr , quand Jeff tente de se faire un prénom , on l'attend au tournant : les comparaisons pleuvent , les journalistes soulignent la ressemblance physique et vocale , jusqu'à l'exagération. Ravivant les blessures , ils ne cessent de l'interroger à ce sujet . Jeff est agacé , mais répond comme il le fait toujours , avec patience et application . Il répète que son père est un étranger pour lui , qu'il n'a jamais été influencé par sa musique. Un jour , lassé de toujours entendre la même chose , il demande à un journaliste qui avait connu Tim «Mais vous trouvez vraiment que je lui ressemble ? ».

Ce qui le fait sortir de ses gonds , ce sont les spectateurs qui , à ses concerts , se croient malins en criant « Tim! » . Il réplique vertement et on le comprend . Entre toutes choses , il ne supporte pas la bêtise , et c'en est une manifestation criante .

Il n'en aura jamais fini avec ça : lors d'un de ses derniers concerts au Barristers de Memphis , le public lui demande d'interpréter des chansons de son père . Il le fera , non sans avoir rétorqué « C'est comme ça que vous aimez les chanteurs ? morts ? » .D'ailleurs , il s'est souvent exprimé au sujet des mythes fabriqués autour des rockstars décédées . Il trouvait ça ridicule « S'ils pouvaient réssuciter Jim Morisson à partir d'un morceau d'os , il le feraient » Quand on lui demande de quelle façon il voudrait qu'on se souvienne de lui , il réflèchit puis répond « Comme d'un bon ami ... non , je ne veux pas vraiment qu'on se souvienne de moi , seulement de ma musique ».

Quand on lit les textes de ses chansons , c'est souvent troublant , on est tenté de penser qu'il avait une prémonition , comme s'il avait toujours su qu'il mourrait jeune . C'est une idée commune à la plupart de ceux qui ont perdu un de leurs parents dans la fleur de l'âge , c'est encore une des empreintes que Tim a laissé sur son fils .

Malheureusement dans son cas , l'intuition s'est révélée juste .


Je vous propose un aperçu du talent de Tim : "Song to the Siren"

samedi 19 septembre 2009

Traduction de Dream Brother



. "C'est une chanson sur un ami qui menait une vie plutôt excessive . Il a des problèmes , c'est une chanson pour lui . Je sais où peut mener l'auto destruction , j'ai essayé de le prévenir . Mais je suis un grand hypocrite , car quand je l'ai appelé pour lui parler de la chanson , le même soir , j'ai pris une overdose de hasch et le matin quand je me suis réveillé , je me sentais très mal . C'est très difficile de se confronter à ses sentiments négatifs . La vie est un chaos complet".

Ainsi parlait Jeff début 94 ,au sujet de Dream Brother . Il a écrit ce superbe texte en pensant à Chris Dowd, du groupe Fishbone . Il était très proche de lui , le considérant comme un frère . Aussi , quand celui-ci a décidé de quitter sa petite amie enceinte , cela a réveillé en Jeff les échos douloureux de sa propre histoire , et il supplie son ami de ne pas se comporter comme Tim l'avait fait avec lui.
Rien de moralisateur pourtant , Jeff vivait lui aussi avec ses démons et n'ignorait pas la part sombre qui habite chaque être humain. Mais il est toute sa vie resté un enfant blessé et si cette chanson est dédiée à Chris Dowd , je pense que lorsqu'il la chante , c'est surtout à son père qu'il pense . "I feel afraid and I call your name , I love your voice and your dance insane ..."
Il y a dans ce morceau quelque chose de lancinant , torturé , l'éternel rappel d'une blessure qui ne cicatrisera pas.

Il y a un enfant qui dort près de son frère jumeau
Les images se bousculent et dans une rafale de vent

Cet ange sombre pénètre dans leur chambre
Et les observe en déployant ses ailes noires.


L' amour que tu as perdu , avec sa peau si claire

Est libre , le vent joue dans ses cheveux caramel


Ses yeux verts envoient des adieux

Avec son visage dans ses mains

Et ton baiser sur les lèvres d'une autre
Frère de Rêve , avec tes larmes répandues tout autour de la terre


Ne sois pas pas comme celui qui m'a rendu si vieux
Ne sois pas comme celui qui ne m'a laissé que son nom
Car ils t'attendent comme je l'ai attendu
Et personne n'est jamais venu. (bis)

J'ai peur et j'appelle ton nom
J'aime ta voix et ta danse de fou

J'entends tes mots et je connais ta souffrance
Avec ton visage dans tes mains et son baiser sur les lèvres d'un autre

Tes yeux fixent le sol et la terre tourne pour l'éternité

Endormi sur le sable et l'océan recouvre tout.


dimanche 13 septembre 2009

Mama , you've been on my mind

Sur la longue liste des artistes que Jeff admirait , Bob Dylan est un des premiers noms . C'est une des raisons pour lesquelles il a choisi de signer avec Colombia , le label ou se trouvaient un grand nombre de ses idoles , dont le grand Bob. Pourtant , la rencontre en 93 entre la vedette en devenir et le songwriter vieillissant et un peu bourru ne se passe pas très bien . Jeff , terriblement ému et impressionné s'entend dire « qu'il ressemble à son père , qu'il est très beau et devrait faire du cinéma... » . Juste ce qu'il ne fallait pas dire : Jeff déteste les allusions à son physique , quant à la ressemblance avec son père ... Les paroles de Dylan ne ressemblent pas franchement à un encouragement ! Mais Jeff n'est pas fâché : un peu plus tard , sur scène , il s'amuse de l'anecdote avec les spectateurs , puis se lance dans à une imitation de la star . Il faut rappeler que les parodies que Jeff aimait faire n'avaient jamais rien de méchant , et concernaient presque toujours des gens qu'il adorait : Led Zeppelin , les Smiths... C'était surtout un hommage et une occasion de rigoler avec le public. Mais ce jour là , un proche de Dylan est dans la salle , le prend mal et lui rapporte l'incident . Jeff est mortifié , et lui écrit aussitôt une lettre d'excuses .

Les choses se sont visiblement arrrangées car à la mort de Jeff , Dylan a eu des mots beaucoup plus gentils à son égard .

J'adore cette reprise de « Mama , you've been on my mind » .



samedi 12 septembre 2009

Les mots de Jeff à ses fans







La diffusion massive d'Internet dans les années 90 a changé beaucoup de choses dans la communication entre les artistes et leur public . Les débuts de Jeff ont coïncidé avec cette révolution , dont il se méfiait un peu , notament à cause de la diffusion de bootlegs de mauvaise qualité , insulte à son perfectionnisme ! Il craignait également les atteintes à sa vie privée , ce qui a occasionné des heurts avec la responsable d'un site non officiel .

Pourtant , il fallait bien qu'il se plie au progrès , et il a adressé plusieurs lettres à ses fans par le biais de son site . Le ton est toujours celui d'un vieux copain , spontané , voire un peu enfantin . Les premières lettres sont enthousiastes , les dernières beaucoup plus désabusées . Vous en trouverez la totalité sur :
http://www.jeffbuckley.com/rfuller/buckley/words/jeffposts/index.html

Voici le message de décembre 95 , version bilingue !

Dear Everyone,

Thank you for your beautiful letters. Sometimes things get my brain in a twist and reading your words of support really does my heart good. I shouldn't think so much. A big Merry Christmas to all of you poor popsicles out there in Winterland (it is bloody freezing here in N.Y.C.) stay warm, people. Dear Santa, I want a new ozone layer. Get those elves cracking!!!

Merci pour vos belles lettres . Quelquefois les choses deviennent tordues dans ma tête et vos mots de soutien me réchauffent le coeur . Je ne devrais pas penser autant. Je souhaite un énorme Joyeux Noël à vous tous , pauvres esquimaux au Pays de l'Hiver (ici à N.Y.C , ça gèle vraiment ) . Restez chauds ! Cher Père Noêl , je voudrais une nouvelle couche d'ozone , fais trimer tes
elfes !!!

The band and I are in writing-mode now, doing well together, they send their love. I'm sure you won't see us until the summer of '96 -- then we're really gonna freak out, man! Can't wait. Maybe we record in the spring? Don't know yet.

Avec le groupe , on est maintenant en mode écriture , on fait du bon travail ensemble , ils vous envoient leur amitié . Je suis sûr qu'on ne vous reverra pas avant l'été 96 , mais alors vous allez halluciner ! Je ne peux pas attendre . Peut-être qu'on enregistrera au printemps ? Je ne sais pas encore .

Also, may you all find the best of happinesses in the year to come. DON'T FEEL DOWN! '96 must rule! New positive mental attitude slogan: "Dude, future...it rocks".
You have our best. We love you, too.


Je vous souhaite de trouver tout le bonheur possible dans l'année à venir . GARDEZ LE MORAL ! 96 doit régner ! Nouveau slogan pour une attitude mentale positive « Mec , le futur , c'est rock'n'roll ! ». On vous aime aussi .



mercredi 9 septembre 2009

Remember me , forget my fate

Un biopic , pour quoi faire ?


Assez rapidement après la mort de Jeff , de folles rumeurs ont circulé au sujet d'un biopic . Le nom de Brad Pitt , un grand fan , a même été avancé sans qu'on précise si c'était en tant que réalisateur ou acteur . A ce propos , je trouve que Brad Pitt a beaucoup de talent , mais incarner Jeff lui aurait demandé un sacré travail d'acteur !

Rumeurs démenties , mais qui resurgissent sous une autre forme dès 2006 . Il était alors question d'un scénario qui mêlerait les vies de Jeff et Tim , une idée un peu curieuse quand on connait leur histoire . Bien que des noms aient été lancés pour la production et la réalisation , le projet n'a pas eu de suite, le scénario n'ayant pas été approuvé par Mary Guibert , la mère de Jeff , qui de toutes façons trouvait que c'était trop tôt .

Cet été , à peine 3 ans plus tard , nouveau buzz : Mary aurait changé d'avis , décidant de produire elle-même le film sur son fils . En précisant que l'acteur ne serait pas doublé et devrait chanter et jouer de la guitare . Outre ces talents , on imagine bien que jouer le rôle de Jeff implique un physique , un bonne dose de charisme et un capacité émotionnelle rare . D'où la consternation de certains à l'annonce des noms des comédiens potentiels , certes pas mauvais , mais loin de paraître à la hauteur du challenge . On a beaucoup parlé de James Franco , crédible physiquement et ayant fait ses preuves dans des rôles sensibles, mais en tant que chanteur , on a des doutes . L'autre candidat cité , Robert Pattinson , héros de Twillight et idole des jeunes filles , assurerait probablement le succès commercial du film , mais pas pour les meilleures raisons .

Ca n'engage que moi , mais je serais triste que le film se fasse . Pour Jeff qui aurait détesté ça et qu'on va forcément trahir . Pour les proches qui l'aimaient et ont eu la pudeur de ne pas étaler leur tristesse dans les médias et de ne pas se servir de sa mort pour leur propre pub .

Parce qu'il ne voulait pas devenir une légende et que le bruit des tiroirs-caisse ne l'a jamais affolé .

Parce qu'il s'est toujours gardé de trop se dévoiler et qu'il faut respecter son mystère .

Et puis , parce qu'une personnalité aussi riche ne supporte pas les approximations

Pour moi , il vit à travers sa musique . Quand j'écoute les Live et que je ferme les yeux , il est là , devant moi , vivant , vibrant , éternel .

James ou Robert , je n'ai rien contre vous , je suis sûre que des rôles merveilleux vous attendent , mais s'il vous plait , laissez Jeff Buckley reposer en paix !

Plus de deux mois après cette dernière annonce , on est sans nouvelles de ce biopic qui prend des allures de chimère . C'est donc que la perle rare est difficile à trouver , et c'est tant mieux ...


dimanche 6 septembre 2009

Three is a magic number






Jeff Buckley a toujours joué et enregistré sous son nom , mais ne sous-estimait pas l'importance de ses musiciens . A la fois amis proches , et compagnons de route , Mick Grondahl le bassiste , Matt Johnson le batteur et Michael Tighe à la guitare sont les premiers fans de Jeff , et c'est grace à la complicité qui les unit à lui qu'ils arrivent à le comprendre et le suivre dans les détours et modifications de dernière minute que ce dernier s'autorise sur scène. Ils n'ont pas un grand nombre de morceaux à jouer , et Jeff ne supporterait pas la routine, alors aucun soir ne ressemble à l'autre , Jeff se laisse guider par son imagination et son sens de l'improvisation . Simples coups d'oeils de leur chef , gestes à peine esquissés,, juste un mot , et ils savent ce qu'ils ont à faire .

« Je considère que je fais véritablement partie d'un groupe , même si je préfère qu'on parle d'un ensemble musical . Je sais que ce n'est pas un groupe comme les autres car l'attention se porte surtout sur moi , mais rien ne pourrait fonctionner sans Mick , Matt et Michael . Ma musique est la combinaison parfaite de nos quatre talents . Mick , Matt et moi avons un niveau supérieur à celui de Michael , mais nous le considérons comme notre égal . La base de n'importe laquelle de nos chansons est le feeling , l'être humain , pas la technique . Avant d'enregistrer Grace , nous n'avions donné qu'une dizaine de concerts , nous jouions ensemble depuis moins de cinq semaines ... Nous avons appris à nous connaître en studio ».

Jeff ne cherchait pas forcément des virtuoses ou des gens ayant une longue expérience , mais des personnes avec qui le courant passait , sur le plan humain et artistique . D'abord composé de Mick et Matt , le groupe est complété à la dernière minute par Michael , qui reconnaissait lui-même ne pas être un « vrai » guitariste , n'ayant joué que dans des groupes de lycéens. Peu importe , Jeff qui le connait depuis longtemps lui fait confiance , ils se comprennent parfaitement et la deuxième guitare trouve sa place .

« Je jouais seul en attendant que quelqu'un comme Mickey se présente et puis j'ai trouvé Matt . Je connaissais déjà Michael . Je suis arrivé comme une tornade, et j'ai ruiné leurs vies , pour le meilleur j'espère ! » .

Jeff et les « 3M » vont vivre ensemble les moments forts et les coups durs de cette interminable tournée qui usera tout le monde au point que début 96 , Matt finit par craquer : la fatigue crée des tensions et il s'énerve de la façon de vivre de Jeff , toujours un peu survolté et facilement tenté par des excès. Quand s'ajoutent des problèmes d'audition , il préfère partir , et Jeff qui se débat à ce moment avec d'autres problèmes ne pourra pas à le retenir.

Pourtant , quand ils sont sur scène , il y a une alchimie dans l'air, le sentiment que c'était exactement ces trois là qu'il fallait à Jeff , que rien n'aurait été pareil sans eux . Même physiquement , il y a , sinon une ressemblance , du moins une similarité . Les visages sont fins , presque androgynes , les cheveux longs en bataille leur donnent des airs de héros byronniens . Ils sont tous les quatre d'une beauté frappante qui ajoute à l'esthétique générale des concerts .

Il faut souligner aussi que Mick et Matt ont participé à la composition de Dream Brother , et c'est avec Michael que Jeff a écrit So real .


vendredi 4 septembre 2009

Vidéo de Grace

La qualité de la vidéo n'est pas très bonne , mais l'interprétation... Chair de poule assurée à partir de 3.50. Ca se passait en France , sur un plateau télé. Comme beaucoup de ceux qui ont découvert Jeff après sa mort , je ne me ferai jamais à l'idée de l'avoir manqué. Pourquoi faut-il que sa course sur cette terre ait été si brève et fulgurante que nous n'ayons même pas eu le temps de lever les yeux pour l'apercevoir ?
Pourtant , la France est un des pays qui a reconnu le talent de Jeff , lui réservant un accueil chaleureux quand les Etats-Unis l'ignoraient . J'y reviendrai plus tard ... Remarquez comme l'expression de son visage change entre le début et la fin.


jeudi 3 septembre 2009

Webring


Powered by WebRing.



Interview Octobre 1994

Jeff Buckley
by Aidin Vaziri – Octobre 1994



...

AV : D'où viennent vos chansons ?

JB : Ce sont des rêves . Ou que j'aille , j'ai des carnets avec moi. Je suis un rêveur éveillé . Ou des choses qui m'arrivent. Eternal Life est juste une chanson... Parfois, quand on réflechit trop , on en arrive à s'inquiéter pour des choses qui devraient inquiéter tout le monde , mais dont tout le monde de moque , et le poids devient si accablant que l'on ressent de la colère d'une façon universelle. Je pense que les mères doivent ressentir la même chose après avoir eu un enfant. Le monde va tellement à l'encontre de la vie , surtout un monde dirigé par des hommes qui ne veulent pas se poser , écouter , et réflechir au sens de la vie . Ce sont des détails qui font que l'on se sent vivant , qu'on sait ce que sont l'amour ou le chagrin ...

AV : Votre thème principal est la difficulté d'aimer.

JB : C'est difficile de vivre avec quelqu'un , surtout quand c'est une personne qui est importante pour vous , et que des problèmes se posent , comme quelqu'un d'autre , même si ça n'a rien à voir avec votre amour. La sensibilité , ça n'est pas être faible , c'est être douloureusement conscient de ce qu'il ya autour de vous , comme une puce qui se poserait sur un chien avec un bruit d'explosion.

AV : Est-ce vous avez des thèmes plus généraux ?

JB : Mes chansons , c'est être vivant et produire du son . La voix apporte beaucoup plus d'information que les mots . On peut atteindre un état de transe, ou tout ce qui se passe dans le conscient est submergé ...la musique atteint ce qu'il y a en dessous...pas ce que les gens font semblant d'être , ou ce qu'ils espèrent trouver dans un magasin. Il y a beaucoup de majesté dans l'idée d'être touché par la musique , que ce soit un petit enfant effrayé ou un amoureux romantique. Les gens m'étonnent , même si je suis capable d'être parfois cynique . C'est parce que nous sommes des esprits qui s'ignorent , ce qui crée des tensions. C'est ce que la musique est capable de toucher .

AV : Et votre père ? Quelle relation aviez vous avec lui ?

JB : Musicalement ? aucune , à une époque j'ai eu des disques de lui , mais plus maintenant . J'ai une façon de comprendre les choses d'une manière très intime... Je ne pouvais pas faire autrement . Quand j'avais à peu près 19 ou 20 ans , je n'avais pas besoin de savoir , mais après , ça a commencé a m'obséder. Et il fallait que j'essaie de comprendre . Mais en réalité , je ne suis pas prêt à en parler maintenant . Dès ma naissance , je suis né à la musique , j'en suis tombé amoureux , elle était ma mère , mon père , un camarade de jeux quand j'étais très jeune , quand je n'avais rien. Ca ne vient pas de lui . Je l'ai rencontré une seule fois , et il est mort 2 mois après . Mais entre temps , il ne m'a pas écrit , ni téléphoné , et je n'ai pas été invité à son enterrement . Il n'y a pas eu de lien entre nous , vraiment . Je suis sûre que les gens rempliront les blancs et fabriqueront le mythe qu'ils voudront. Je regrette de ne pas lui avoir parlé plus , juste une ou deux fois . Robert Plant et Jimmy Page ont eu beaucoup plus d'influence que lui.

AV : Ce sont les noms qui viennent quand les gens parlent de votre musique.

JB : C'est la première voix dont je suis tombé amoureux . Quand Robert Plant était jeune , sa voix sonnait comme celle de Janis Joplin. Lui aurait préféré Howlin' Wolf , mais non . Il sonnait comme un putain d'animal .

AV : Ecrire des chansons , ça signifie quoi pour vous ?

JB : Ma musique c'est l'expression rêveuse du psyché. En partie sables mouvants , en partie structure . Les sables mouvants , c'est important pour que les choses évoluent. Est-ce que vous avez des souvenirs où vous vous rappelez un goût ou une sensation , d'un objet peut-être , mais ce sentiment est si bizarre et imperceptible que vous ne pouvez pas mettre le doigt dessus ? Ca vous rend fou . C'est mon esthétique musicale , juste cet imperceptible souvenir flottant. Ce qui est fantastique maintenant est que je peux l'enregistrer sur un disque ou le jouer sur scène . C'est entièrement irréel . Comme s'il y avait un garde à l'entrée de la mémoire , et nous ne sommes pas supposés nous rappeler certaines choses , car il faut se soumettre à leur pouvoir pour les vivre. Ce qui peut nous détruire ou nous marquer à vie . On n'en sait rien , c'est comme mourir . La musique , c'est tout ce que j'ai . C'est la seule chose qui ait toujours été vraiment formidable avec moi . A un moment , j'étais extrêmement déprimé et je ne pouvais pas m'intéresser à quoi que ce soit d'autre.

AV : C'était au lycée ?

JB : Le lycée , c'était n'importe quoi .Dès que j'y suis entré , je savais que ça ne servait
à rien . Pas l'enseignement , mais les gens .

AV : Vous avez grandi à Riverside , en Californie , c'était comment ?

JB : De la naissance à la tombe , c'est un pays criminel . Je me demande comment j'ai fait pour y trouver quelques amis . Les gens grandissent dans la répression de leur âme , jour après jour . La télé cablée , c'est de la merde . C'est de la misogynie , c'est la naissance , le travail , la mort , c'est la misère , le pouvoir , ce sont des ploucs . Et c'est avec tout ça que j'ai grandi . J'étais un nomade sans racines . Maintenant je préfère le Lower East Side à n'importe quel endroit sur terre , je peux y être moi-même . Je ne pourrais plus habiter aucun des endroits de mon enfance . Je n'ai jamais été à ma place en Californie, même si j'y suis né.



mercredi 2 septembre 2009

Alive



















Je vous ai raconté un peu de la vie de Jeff Buckley , et présenté l'album génial qu'est "Grace" . Maintenant , il faut que je tente de vous expliquer ce qui m'a motivé pour démarrer ce blog . J'ai toujours écouté beaucoup de musique , il y a des disques dont je ne me lasse pas , des artistes que j'admire pour ce qu'ils sont ou ce qu'ils disent , des univers qui me fascinent. Alors , pourquoi Jeff Buckley et pas un autre ? Tant de raisons que je ne sais par où commencer...

Tout d'abord , c'est un artiste qui ne ressemble à personne . Bien sûr, il a des influences qu'il ne renie pas , très nombreuses , mais au lieu de plagier ses maîtres , il n'en garde que la substance qu'il mêle à son monde intérieur (il s'inspire souvent de ses rêves) pour arriver à un résultat totalement original.
Ensuite , sa personnalité . J'ai déja abordé son évidente sincérité , son perfectionnisme , son ouverture d'esprit . Les interviews qu'il a données , ainsi que les témoignages de ses innombrables amis , font apparaitre un être qu'on ne peut s'empêcher d'aimer . On perçoit tout de suite sa complexité , on a l'impression qu'il est tout et son contraire : insouciant et angoissé , fragile et fort , modeste et sûr de lui , désirant plus que tout être reconnu mais mal à l'aise avec la notoriété. Il se décrit introverti , mais peut se montrer exubérant et excentrique , prêt à tenter toutes les expériences possibles.

Tous ceux qui l'ont cotoyé parlent de sa gentillesse , sa simplicité , son attention aux autres . Il a un côté "bien élevé" , charmeur , rayonnant . Pourtant , on devine que ses blessures d'enfance ont laissé des traces et que son hypersensibilité ne se laisse supporter qu'avec l'aide - pour notre plus grand bonheur - de cet exutoire qu'est la musique .

Si Jeff BUCKLEY est si attachant , c'est parce qu'il porte une profondeur , une sorte de sagesse que lui donne sa perpetuelle quête de la vérité , faite de doutes et de remises en question . Il n'aime pas les religions constituées , mais sa recherche spirituelle le pousse à s'interroger sur des questions essentielles: il croit en la divinité de l'homme et de la nature .

Enfin , il faudrait surtout pas faire l'impasse sur sa culture : lui même ne se vantait pas , mais ce jeune américain qui n'avait jamais fréquenté l'université lisait , entre autres , Cocteau , Rilke , Simone de Beauvoir , avait eu à 13 ans un coup de foudre pour Edith Piaf , s'interesssait à l'art , à l'avant garde et bien sûr avait écouté et intégré tous les genres musicaux , classique , jazz , blues , musique orientale , variété et j'en passe ...

J'espère que mon enthousiasme vous aura convaincu que Jeff Buckley était quelqu'un de passionnant , et que sa courte vie et son éphèmère carrière mérite bien qu'on lui dédie un tout petit bout d'étoile dans cette énorme constellation qu'est Internet !

"Les artistes ont juste besoin de se taire et d'écouter ce qui vient précisément de l'intérieur d'eux . On doit être sûr de ce qu'on a à faire , et si on n'a pas cette chose , on en mourra . On périra , lentement ou vite , avec violence ou naïveté.
Et chaque choix qu'on fait vient de là.
Je dois faire ça, je suis fait pour ça . Je ne peux rien faire d'autre . J'ai essayé. Je ne peux pas m'épanouir d'une autre façon . Ca changera peut-être quand je serai plus vieux . Je suis sûr que ça changera ."


JB , 1994